La loi de destruction transformation de la Fonction Publique de 2019 a introduit la rupture conventionnelle dans le secteur public.
Ce dispositif est importé du secteur privé où il a eu un certain succès.
Le ministère de l’Action et des Compte Publics l’a présenté comme « un outil attendu par les agents qui … ouvre le droit à une indemnité de rupture … permettant ainsi de redonner aux agents un second souffle à leurs parcours professionnels ». Il s’agit donc « d’accompagner les mobilités et les transitions professionnelles, de faciliter les secondes, voire les troisièmes parties de carrière en donnant aux agents les mêmes garanties que les salariés du secteur privé. »
Il faudrait vraiment être soupçonneux voire perfide pour imaginer une entourloupe ... ou plus simplement avoir une certaine habitude de la communication ministérielle orwellienne.
Les positions du SNES et de la FSU ont été claires dès le départ : si ce dispositif peut améliorer les conditions de départ des agents contractuels, en revanche pour les titulaires, il est urgent de traiter d’abord les causes des départs en améliorant les conditions de travail et de rémunération.
Le démarrage en 2020 du dispositif s’est fait doucement : 300 ruptures conclues dans l’Education pour plus de 1 200 demandes. C’est un peu plus que le dispositif comparable antérieur (l’Indemnité de Départ Volontaire).
Mais les conditions ont évolué entre les deux dispositifs : l’employeur peut être à l’origine de la demande de rupture. On peut alors craindre des pressions pour pousser vers la sortie des collègues dont l’administration ne voudrait plus. Quand on connaît le niveau de tension entre les collègues et la hiérarchie dans certains établissements, on imagine sans peine comment cet outil pourrait être utilisé contre les personnels et nos statuts. En matière de remise en cause des droits des personnels, on peut faire entière confiance au gouvernement actuel et à de nombreux candidats aux prochaines élections, l’imagination est au pouvoir.
Pour l’instant le dispositif est entravé par la faiblesse de son enveloppe budgétaire : les demandes excèdent de loin les possibilités de financement.
Mais les collègues sont confrontés à des difficultés d’un autre ordre. En effet, après une phase de rodage, le processus est bien maîtrisé par les services rectoraux. L’entretien a lieu dans les délais réglementaires, les collègues ont à cœur de présenter un projet de reconversion solide, ils sont informés et accompagnés à leur demande par un militant syndical.
Pour autant, depuis la rentrée de septembre : rien ! Tout est grippé, en attente de signatures, d’arbitrages du recteur ! Des collègues n’ont aucune nouvelle depuis leur entretien qui remonte pour certains à … 5 mois !
Les préjudices de ces retards pour les collègues sont potentiellement énormes :
- l’impossibilité de s’inscrire aux formations prévues,
- le calcul préalable de l’indemnité qui pourra être remis en cause. L’estimation a été faite lors de l’entretien pendant l’année civile 2021 mais en cas d’accord la date de signature se fera dans une autre année !
Il apparaît clairement que le rectorat veut d’abord conclure des ruptures dont il est à l’origine. Nos craintes étaient donc fondées : il utilise ce dispositif pour se séparer de certains collègues. Et d’autre part, l’administration n’hésitera pas à refuser des demandes bien pensées au dossier solide si l’agent donne toute satisfaction !
Tout concourt donc à rendre caducs les projets de reconversion. On est bien loin des belles paroles initiales et on retrouve le cynisme ministériel envers les personnels demandeurs, envers les services rectoraux qui ont participé à l’instruction des dossiers et envers les militants syndicaux qui accompagnent les collègues.
Serge Muller, secrétaire académique adjoint